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Accident de COURVILLE 1911

L'accident ferroviaire de Courville a eu lieu le 14 février 1911, dans cette commune du département d'Eure et Loir située à dix-neuf kilomètres de Chartres sur la ligne Paris-Le Mansappartenant à l'État depuis le rachat par celui-ci de la Compagnie des chemins de fer de l'Ouest au 1er janvier 1909. Son lourd bilan, s'ajoutant à ceux d'une longue série d'autres accidents meurtriers survenus peu de temps avant sur le même réseau, contribua à amplifier

encore la controverse sur l'exploitation publique du chemin de fer.


​Les circonstances

Les communiqués officiels sur l'accident sont restés vagues, et la presse a plus insisté sur ses conséquences que sur les circonstances exactes dans lesquelles il avait eu lieu. Aussi, celles-ci ne peuvent-elles être reconstituées que par recoupement d'informations éparses, souvent présentées avec beaucoup d'approximations.

​Quatre trains pour une gare

Le mardi 14 février à 18h 07, le train de marchandises 6330, composé de trente quatre wagons, était arrivé du Mans avec trois heures quinze de retard en gare de Courville, et avait été aussitôt aiguillé sur la voie ter, unique voie de garage située côté pair, afin de permettre l'arrivée à quai sur la voie numéro 2, voie principale montante, d'un autre train de marchandises, dit de détail, le 2338, venant de la même direction, qui devait débarquer et charger des colis.

Derrière eux était attendu l'omnibus 516 Guingamp – Paris. Afin de le laisser accéder à son tour au quai et repartir vers Chartres avec voie libre, le chef de gare Raymond avait décidé qu'une fois les opérations de manutention terminées pour le 2338, celui-ci serait déplacé sur l'autre voie de garage restant seule disponible, dite 1 ter, située côté impair, dont l'accès depuis la voie 2 exigeait la traversée, à environ trois cents mètres de la gare, de la voie principale descendante, la numéro 1. Le chef de gare devant assurer le service des billets pour le 516, c'est le facteur-chef Launay qui avait été chargé de la manœuvre. Avant d'entreprendre de garer le 2338, il s'était d'abord assuré par téléphone auprès du poste de block-system situé 3, 7 km en amont que le rapide 513, pour Brest et Nantes, parti de Paris Montparnasse à 16 heures 40 et devant passer sans arrêt sur la voie 1, n'était pas encore annoncé. Toutefois, alors que l'opération avait déjà commencé, un nouvel appel du poste de block l'avait informé de l'arrivée imminente du 513, et il avait aussitôt actionné le levier fermant le disque d'entrée de la gare à un kilomètre de là, et envoyé l'homme d'équipe Chailloux muni d'une lanterne rouge à la rencontre du rapide pour le stopper.

​La collision

Malgré les précautions prises pour le faire arrêter, le 513 survint alors que le 2338 traversait la voie 1. Sa locomotive, du type Pacific, prit en écharpe le convoi à pleine vitesse par le milieu, renversant et pulvérisant dix wagons, puis emportée par son élan, partit sur la droite en labourant la voie sur près d'une centaine de mètres au milieu des débris, pour finir sa course, suivie du tender et du fourgon de tête, deux cents mètres avant la gare, couchée sur le côté gauche. Derrière eux, après une première rupture d'attelage, trois voiture s'étaient télescopées, une de troisième classe, une mixte première/deuxième classe/compartiment postal, et le wagon-restaurant, qui avait escaladé les deux autres, écrasant leurs compartiments. Par chance, les voitures suivantes avaient été séparées du reste du train par une seconde rupture d'attelage provoquant leur freinage automatique, et étaient presque intactes, bien que déraillées.

Au même moment, arrivait dans l'autre sens sur la voie 2 l'omnibus 516, qui après son arrêt en gare, était reparti vers Chartres et prenait de la vitesse. Son mécanicien, Georges Béquille, voyant se produire l'accident à cent mètres de là, freina immédiatement et parvint à arrêter son train à temps pour préserver l'intégrité des voitures et de leurs passagers, mais sans toutefois pouvoir éviter que la locomotive heurte l'amoncellement des épaves et se renverse, ajoutant encore au chaos de la scène.

​Secours et bilan

Dans le choc, les réservoir de gaz d'éclairage placés sous les caisses des trois voitures disloquées avaient été percés, provoquant immédiatement un incendie. Le personnel de la gare, les voyageurs de l'omnibus et ceux du rapide sortis indemnes de la collision, s'efforcèrent de soustraire aux flammes les victimes restées coincées dans l'amas des débris, déposant provisoirement morts et blessés dans la salle d'attente. Si les employés et les dix neuf dîneurs du wagon-restaurant réussirent tous à s'échapper, seuls quelques passagers des deux voitures écrasées purent être extraits à temps des carcasses de leurs compartiments, avant que les sauveteurs ne soient contraints de reculer devant le feu, que les pompiers de Courville ne parvinrent pas à éteindre totalement, et qui couva jusqu'au lendemain. Les blessés, au nombre d'une quinzaine, parmi lesquels un homme d'équipe de la gare préposé à la manœuvre, furent transportés à l'hôpital de Courville. Selon une première estimation, l'accident avait fait huit morts, mais ce bilan fut porté à treize après que les restes de nouvelles victimes eurent été dégagés des épaves carbonisées et que des survivants gravement atteints eurent succombé. La presse s'émut du sort tragique des onze convives d'une noce, dont les deux mariés et sept de leurs proches perdirent la vie, et s'attarda parfois avec complaisance sur des détails morbides, tels l'odeur infecte dégagée par l'incendie ou la liste détaillée des débris humains carbonisés restant à identifier.

Dans les heures qui avaient suivi l'accident, un train de secours venu de Chartres avait amené le préfet d'Eure-et-Loir, M. Raymond Le Bourdon, une compagnie du 102e d'Infanterie et des médecins. Arrivèrent également par la route des soldats du 13e régiment de cuirassiers, si bien qu'environ deux cents personnes participèrent au déblaiement, aidées par une grue de cinquante tonnes prêtée par la Compagnie d'Orléans pour le relèvement des deux machines. Le ministre des travaux publics, Louis Puech, se rendit sur place en train spécial.

Compte tenu du nombre de carcasses enchevêtrées à dégager et de l'importance des dégâts causés aux installations, la circulation ne put être rétablie sur une voie unique temporaire que le surlendemain à 7 heures 30. Des services religieux en mémoire des victimes se succédèrent dans l'église de Courville, avant leur inhumation dans leurs communes respectives.




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